L'origine de la frite
Les origines de la frite, cet incontournable du patrimoine culinaire, suscitent bien des débats et légendes. Plongeons dans l’histoire fascinante de notre trésor doré.
D'où viennent vraiment les frites ?
French Fries : un nom trompeur
Le mot « frite » provient du verbe « frire », signifiant cuire dans de l’huile ou du beurre. Les anglophones, eux, parlent de « French fries », ce qui pourrait laisser penser à une origine française. Cette dénomination remonte à la Première Guerre mondiale, lorsque les soldats anglais, américains et canadiens stationnés près de l’Yser découvraient les friteries locales. Le français étant la langue dominante, ils adoptèrent le terme « French fries ». Pourtant, dès 1865, un livre de recettes américain mentionnait déjà les “french fried potatoes”, où le mot “french” désigne plutôt une manière spécifique de frire les pommes de terre.
Une autre théorie suggère que “french” viendrait du verbe argotique « to french », signifiant couper en fines lamelles, une expression apparue bien plus tard, dans les années 1940.
Des frites venues de Russie ? Pas si sûr !
Une autre histoire prétend que les frites viendraient de Russie. En 1854, Fritz, un célèbre frituriste forain, avait surnommé sa grande portion de frites « une Russe » et la petite « une Cosaque », en référence à la guerre de Crimée. Cette appellation a perduré longtemps, notamment dans le Sud de la France. Mais cette dénomination n'était qu'une fantaisie commerciale, sans lien réel avec la Russie.
Les prétentions françaises et espagnoles
Certains suggèrent que les frites seraient une invention française ! Même si l’on pouvait manger des frites dites « pont neuf » aux alentours du célèbre pont à Paris, il s’agit d’un tout autre type de fritures que les « frites de chez nous ». L’historienne Marie Delcourt a émis l’hypothèse que les réfugiés français du Second Empire (1852-1870) auraient importé cette invention parisienne en Belgique, mais Mr Fritz cuisinait déjà des frites en Belgique en 1838…
D’autres soutiennent que la tradition de faire frire les pommes de terre pourrait venir d’Espagne, où cette méthode de cuisson est bien ancrée. L’historien Paul Ilegems avance même que Sainte Thérèse d’Avila pourrait être à l’origine de cette invention, la première mention de la pomme de terre en Espagne faisant référence au jardin de son monastère.
La légende belge : sur les rives de la Meuse
Pour beaucoup de Belges, l’origine des frites se situe sur les rives de la Meuse, dans la région de Namur, Andenne et Dinant. L’historien Jo Gérard raconte, à partir d’un manuscrit familial de 1781, que les riverains, trop pauvres pour pêcher en hiver, auraient remplacé les petits poissons par des bâtonnets de pommes de terre pour leurs fritures. Les femmes de batelier auraient répandu cette coutume à travers toute la Belgique, le long des rivières et des canaux.
D’après ce même manuscrit, cette habitude existait depuis au moins cent ans, ce qui situerait la naissance des frites en Wallonie dès l’an 1681. Mais… Ce manuscrit semble n’avoir jamais été publié et, selon Ferand Pirotte, les pommes de terre n’ont été introduites dans le Namurois que vers 1735…
L’historien de la gastronomie Pierre Leclercq doute également que la friture ait été une pratique courante chez les plus démunis de l’époque, vu le coût élevé de la matière grasse.
Une invention commerciale ?
Selon l’historien de la gastronomie Pierre Leclercq, les frites ne trouvent pas leur origine dans la cuisine aristocratique, bourgeoise ou même paysanne. Au contraire, elles seraient le fruit d’une innovation commerciale. Les premières sources fiables évoquant l’existence de friteries remontent au milieu du XIXe siècle.
Un certain Frédéric Krieger, issu d’une famille de forains, aurait adopté le surnom de Fritz pour son commerce de fritures. Il est probable que Fritz et Max aient ouvert une friterie lors de la foire de Liège en 1838. Des documents attestent également d’une demande d’emplacement pour une friterie à la foire d’Anvers (Sinksenfoor) en 1845.
Les friteries mobiles, comme celles de Fritz et Max, suivaient les foires de ville en ville. Les premières friteries fixes apparaissent à la fin du XIXe siècle, avec des exemples à Bruges dès 1890. Rapidement, elles s’installent sur de nombreuses places belges et aux abords des gares. La frite fait également son entrée dans les restaurants. Ainsi, en 1911, il était possible de déguster une portion au Grand Hôtel Cosmopolite à Bruxelles, pour la somme de 25 centimes…
La culture du fritkot : un patrimoine à préserver
Après la Seconde Guerre mondiale, les fritkots se sont implantés dans chaque ville et village, atteignant leur apogée entre 1950 et 1980. Toutefois, depuis les années 1980, leur nombre a diminué en raison de nouvelles lois d’aménagement du territoire. Mais cette tendance semble s’inverser. En 2000, Anvers a reconnu officiellement l’importance des fritkots, aussi bien pour leur influence sociale et économique que pour la convivialité qu’ils apportent. La ville de Eeklo a choisi le fritkot comme thème de sa Journée du Patrimoine de 2006, et en 2012, Bruxelles a consacré un mois entier à célébrer la frite. Petit à petit, la Belgique réalise l’importance de préserver ce « petit bout de culture bien de chez nous ».
La frite, une fierté nationale en Belgique
L’origine de la frite est un voyage à travers l’histoire, les cultures et les légendes. Qu'elle soit née sur les rives de la Meuse, dans les foires belges ou dans les cuisines espagnoles, la frite est aujourd'hui un symbole incontesté du patrimoine culinaire belge, à la fois modeste et universel. Un trésor national, inscrit pour toujours dans le cœur des Belges !